En réalité, elle l'a toujours été. Les médias regorgent d'articles, de posts, de témoignages évoquant plus ou moins directement ce sujet :
- les difficultés des calaisiens aux prises avec les flux migratoires depuis 20 ans ;
- la grève des sans-papiers dénonçant l'exploitation humaine au travail sur notre territoire ;
- l'annonce d'une crise migratoire climatique menaçant notre modèle social.
Mais encore :
- l'accueil sélectif d'étrangers offrant des garanties d'employabilité (médecin, infirmière) ;
- la reconnaissance des « premiers de corvée » de la crise sanitaire, fussent-ils irréguliers ;
- le recours à des travailleurs au noir sur les chantiers des JO ;
- l'instauration d'un délit de solidarité.
La problématique d'une immigration choisie (celle du pays d'accueil) n'est pas nouvelle. Les années 50, 60,70 ont déjà connu leur lot de débats et de polémiques. Plus récemment, la circulaire Valls (2012) et la Loi Collomb (2018) ont posé les derniers jalons en la matière.
En 2023, le débat est de retour avec cette fois un projet de loi destiné à "contrôler l’immigration et améliorer l’intégration", acte déposé en février 2023 au Sénat, retiré en mars et réintroduit en novembre pour une discussion générale en séance publique avant son examen en décembre par l'Assemblée Nationale.
La position de son auteur, le Ministre de l'Intérieur, est connue : « la question n'est… pas d'être contre l'immigration, mais de se préparer à savoir quelle immigration on veut et comment intégrer les personnes que nous choisissons ».
Les positions syndicales divergent à son sujet :
- opposition frontale (scandale pour la CGT pointant un "sous-salariat") ;
- opposition modérée (priorité à donner aux chômeurs pour le Medef) ;
- soutien nuancé (souhait d'un titre plus long pour la CFDT).
Globalement, le duel politico-syndical oscille entre la volonté de faire face au principe de réalité (l'important besoin de main d'œuvre) et la peur de voir ce texte créer « un appel d'air » et transformer la France en une destination irrégulière privilégiée.
Le document a connu un parcours compliqué : il a immédiatement été modifié par la Commission des lois et les Sénateurs et subit à nouveau des à-coups.
Le point central des discussions est l'introduction d'une carte de séjour temporaire mention « travail dans des métiers en tension » octroyant de plein droit aux travailleurs étrangers une autorisation de travail dans les secteurs concernés doublée d'un titre temporaire de séjour, sortant les salariés irréguliers œuvrant déjà dans ces secteurs de l'illégalité et d'une dépendance forcée envers des employeurs parfois peu scrupuleux ; et répondant enfin aux enjeux économiques et sociaux de la Nation (pourvoir au besoins de main d'œuvre des secteurs essentiels au fonctionnement de notre société).
Au grand dam de la Ligue des droits de l'homme, le texte laisse hors de cette protection juridique une partie des personnes en situation irrégulière (celles travaillant dans les secteurs non sensibles). Alors même que cette exclusion paraît difficilement compatible sur le plan des principes avec la notion de travail décent portée par le Droit européen.
La sélectivité proposée conduit à reléguer de fait une partie des travailleurs irréguliers dans la clandestinité avec comme corollaire une rémunération infra-légale et des conditions de travail trop souvent indignes.
D'autres dispositions intéressant le Droit du travail s'y trouvent et méritent d'être citées :
- comme celle prévoyant dans certains cas déterminés l'octroi d'une carte de séjour pluriannuelle mention “talent-salarié qualifié” d’une durée maximale de quatre ans (titulaire d'un Master travaillant, personne recrutée par une jeune entreprise innovante notamment) ;
- celle prévoyant l'octroi d'une carte de séjour pluriannuelle de même durée portant la mention “talent-porteur de projet” accordée également dans une configuration précise (titulaire d'un master ou d'un niveau équivalent mais présentant une expérience professionnelle de 5 ans ayant le projet économique réel et sérieux de créer en France une entreprise) ;
- ou celle instaurant de nouvelles exigences en matière d'intégration, dont la maitrise d'un niveau minimal de français (attestation de réussite au lieu du simple suivi d'une formation) et un acquiescement aux valeurs républicaines (examen à l'issue d'une formation civique).
Le projet prévoit aussi l'introduction de nouveaux articles dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (L. 432‑5‑1 et L. 432‑6‑1) permettant le retrait des cartes précitées par décision motivée en cas de condamnation pénale de leur titulaire pour faux ou usage de faux.
Rien ne permet d'affirmer que l'intégralité de ce contenu sera préservée à l'issue des débats, mais il semble loin d'être acquis que le principe d'une régularisation temporaire pour raison professionnelle survive au processus législatif.
Car il faut passer le cap du Sénat puis celui de l'Assemblée nationale...
À ce stade, si le principe d'une carte de séjour pour métiers en tension est acté au Sénat, les conditions de son octroi sont déjà fortement restreintes : plus de remise automatique du titre et un retour du contrôle préfectoral de droit commun.
Ella Ragain
Références :
- Loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration renforcée (dite IMDAEIR)
- projet de loi n° 434 (2022-2023) pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration
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