La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice a été adoptée le 11 octobre dernier, et avec elle l'article 46 qui bouleverse totalement les dispositions régissant la saisie des rémunérations (article 17 du projet de loi).
Jusqu'ici, le recours à cette voie d'exécution particulière reposait sur la saisine du Tribunal judiciaire (juge de l'exécution). Elle intervenait donc dans un cadre judiciaire caractérisé par des règles de forme, une audience et l'intervention du greffe.
Ainsi, l'engagement d'une saisie des rémunérations supposait :
. le dépôt d'une requête devant contenir toutes les mentions voulues à peine de nullité
· une audience précédée d'une tentative de conciliation en Chambre du conseil
· un jugement suivi de l'intervention du greffe (actes de notification et de gestion)
Le système aboutissait à des délais de mise en œuvre importants, variables selon le lieu de la mesure d'exécution (plus ou moins longs selon le Tribunal territorialement compétent). Ce temps procédural était allongé par un débiteur exerçant généralement les voies de recours, d'où le retard subi par le créancier dans la récupération des sommes lui étant dues.
La saisie sur salaires étant la seule des saisies mobilières à échapper au commissaire de justice, le gouvernement a souhaité unifier les règles de recouvrement et décidé dans le cadre d'un projet de loi déposé le 3 mai 2023 de confier la gestion de la procédure à cet officier ministériel (article 17).
Cette solution est aujourd'hui entérinée. La saisie sur salaires est appelée à quitter le Code du travail pour rejoindre le Code des procédures civiles d'exécution (article L. 212‑1 et suivants).
Une nouvelle procédure de saisie est instaurée, qui conduira à la création d'un registre numérique des saisies des rémunérations tenu par le « commissaire de justice saisissant » (ex-huissier de justice).
Ce professionnel est dorénavant habilité à requérir de l'employeur d'un salarié-débiteur le versement de la part de rémunération correspondant au montant des créances exécutoires non acquittées.
Sont constitués parallèlement des « commissaires de justice répartiteurs », catégorie professionnelle chargée, après formation spécifique, d'opérer la redistribution des fonds versés par l'employeur suivant des conditions et des modalités restant à définir par Décret en Conseil d’État.
Le projet prévoyait initialement l'organisation « le cas échéant » d'une conciliation par le commissaire de justice, laissant ainsi la décision de concilier à l'entière discrétion de l'officier ministériel. La phase de conciliation a été réintroduite au cours des travaux parlementaires, à l'égal de celle existant dans le cadre judiciaire.
Au-delà du maintien des garanties procédurales, il est acquis que le transfert de compétence s'accompagnera de frais supplémentaires : alors que la saisie sur salaire « judiciaire » était gratuite, des frais d'huissier sont dus dans la nouvelle configuration, alourdissant à terme la charge de la dette d'un débiteur déjà mis à mal.
Pour éviter toute dérive, le législateur prévoit un contrôle, laissé au juge de l'exécution, chargé de trancher les contestations soulevées.
Il est ainsi prévu que le montant des frais d'exécution prélevés et recouvrés par l'officier public au titre de l'exécution de sa nouvelle mission pourra être soumis au juge sur le fondement d'un nouvel Article. L. 212‑4. du Code des procédures civiles d’exécution :
"– Le débiteur peut, à tout moment, saisir par requête le juge de l’exécution d’une contestation de la mesure.
Le juge peut d’office contrôler le montant des frais d’exécution dont le recouvrement est poursuivi.
La contestation ne suspend pas la procédure de saisie des rémunérations, sauf lorsqu’elle est formée dans le mois suivant la signification du commandement.".
En outre, la limitation du nombre d'actes d'exécution, de leur montant, voire l'étalement de leur paiement est envisagée par l'Etat ; volonté exprimée restant à traduire sous forme de norme juridique.
En tout état de cause, la nouvelle procédure de saisie entrera en vigueur le 1ᵉʳ juillet 2025.
Voie d'exécution forcée, devenue plus « attractive » selon les mots du Gouvernement, elle connaîtra assurément un franc succès à compter de cette date.
À noter : un recours a été déposé le 16 octobre 2023 devant le Conseil constitutionnel, de sorte que le texte n'est pas encore entré en vigueur.
Son invalidation apparaît peu probable. Il produira donc vraisemblablement son plein effet à la date indiquée (sauf attente éventuelle des décrets d'application détaillant les nouvelles modalités financières, qui pour certaines n'étaient pas encore fixées lors du vote de la loi).
Ella Ragain
Référence :
- Loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 11 octobre 2023
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