La qualité de salarié protégé est synonyme de formalisme et, il faut bien le dire, d'une certaine complexité lorsqu'il s'agit de rompre la relation de travail de ce salarié.
La cessation du contrat suppose pour cette catégorie de travailleur la délivrance préalable d'une autorisation administrative, que l'on soit face à un licenciement, à une rupture conventionnelle ou à la fin d'un contrat à durée déterminée.
La formalité vise à s'assurer que l'éviction unilatérale du salarié ne cache pas des motifs inavoués : se débarrasser d'un représentant du personnel un peu trop remuant, affaiblir ou discriminer un syndicat, se venger d'un collaborateur ayant régulièrement exercé son mandat.
Dans le cas particulier du départ décidé d'un commun accord, elle permet aussi de s'assurer d'une absence de vice de consentement.
Dans tous les cas, l'intervention de l'inspection du travail vise aussi à sauvegarder l'intérêt général : indépendamment de la position de l'employeur et de celle du salarié, l'autorité administrative peut s'opposer à la cessation du contrat de travail pour maintenir la représentation effective ou équilibrée du personnel de l'entreprise ou pour préserver les conditions du dialogue social.
Pour illustrer la réalité, pourquoi ne pas se référer à un cas d'espèce.
Dans une affaire, le Conseil d'État est saisi postérieurement à la rupture négociée conclue par une caisse d'assurance maladie avec l'un de ses techniciens contentieux. La formation de jugement confirme la validité de l'autorisation donnée et livre au passage d'utiles renseignements :
- il n'appartient pas aux juges d'examiner d'office si la rupture conventionnelle autorisée a un rapport avec le mandat syndical du salarié (discrimination syndicale) mais au plaignant contestant la décision administrative d'autorisation de soulever la question ;
- l'existence avérée de « faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale » n'invalide pas automatiquement l'autorisation administrative de rompre conventionnellement le contrat (ni d'ailleurs l'existence d'un différend entre les parties au jour de la rupture comme souligné par la Cour administrative d'appel précédemment saisie du litige) ;
- seule l'existence établie d'un vice du consentement au jour de la signature de l'acte de rupture conventionnelle invalide l'autorisation administrative donnée, ce vice pouvant résider éventuellement dans des « faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale ».
Une bonne compréhension de la solution suppose de dire que le salarié avait engagé une action fondée sur ces abus devant le juge judiciaire (demande de résiliation judiciaire) avant d'accepter de signer la rupture conventionnelle.
La rupture intervenait donc dans un contexte conflictuel évident, et la connaissance des faits de harcèlement ou de discrimination était antérieure au jour de l'acte de rupture.
L'employé n'avait pas usé du droit de rétractation ouvert aux parties dans le cadre de la rupture conventionnelle, ce qu'il aurait dû faire dans le délai imparti au lieu d'attendre et de contester l'autorisation administrative comme suggéré par le Conseil d'État.
Ce n'est pas le motif fondant la rupture conventionnelle (son existence, sa validité) qui fait l'objet du contrôle et de l'autorisation administrative : la raison de la rupture n'a pas à être indiquée dans l'acte contractuel et l'inspection du travail n'est pas chargée d'en vérifier la réalité ou la validité.
L'autorisation administrative a pour but de vérifier que le consentement donné par le salarié protégé est réel et libre, et que le cadre légal de la RC a été suivi :
- respect des garanties de fond (négociation, indemnités) et de procédure (délais) ;
- absence de pression pour imposer le mode de rupture ;
- absence de vices de consentement au jour de la signature (vices ordinaires, vices en lien avec le mandat représentatif ou l'appartenance syndicale).
Référence :
- arrêt du conseil d'Etat du 13 avril 2023 (n° 459213)
Ella Ragain
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