Il est de l'intérêt de l'employeur comme du salarié de bien peser les effets et obligations propres à la rétrogradation disciplinaire.
Il s'agit de la mesure notifiée à titre de sanction par un employeur consécutivement à un manquement grave du salarié.
Cette dernière va se traduire par :
- un déclassement professionnel conduisant selon le cas à un changement de poste ou de fonctions, à une perte de responsabilités ou d'autonomie ;
- la perte d'un ou plusieurs éléments de rémunération générée par cette modification entraînant un positionnement inférieur dans la classification des emplois ou la réduction du coefficient de la grille salariale applicable à la personne sanctionnée ;
- l'obligation pour l'entreprise de respecter les règles de procédure disciplinaire ;
- l'obligation pour l'entreprise d'obtenir l'acceptation par le salarié de la rétrogradation proposée ;
- enfin la signature d'un avenant contractuel puisque la mesure emporte nécessairement la modification du contrat de travail (emploi, fonctions, classification avec comme corollaire une fluctuation quasiment toujours à la baisse des rémunérations versées au collaborateur).
Ainsi, point de rétrogradation sans accord du salarié : le silence, l'exécution des nouvelles fonctions sans manifestation expresse de volonté d'y acquiescer, ou encore la contestation du caractère disciplinaire d'une mesure par ailleurs acceptée font définitivement obstacle à la régularité de la mesure disciplinaire.
Selon une formule consacrée, l'acceptation du fautif doit être formelle, claire et non-équivoque (sans ambigüité).
À défaut, l'employeur devra soit renoncer à sanctionner, soit prononcer une autre sanction (licenciement pour faute simple, grave ou lourde).
Le fait pour le salarié de minimiser ou de remettre en cause le fondement disciplinaire de la mesure proposée l'expose donc à une conséquence plus grave encore : celle de se voir licencier.
C'est ce qui est arrivé à un cadre supérieur qui, subissant une amputation du 2/3 de ses fonctions, a cru devoir répondre à son employeur : «"Eu égard au contexte de grande difficulté économique que vit notre secteur professionnel ; dans la mesure où stratégiquement, vous décidez que l'organisation actuelle n'est finalement pas la bonne puisqu'elle nécessite la scission en trois directions de mon poste ; dans la mesure où mon investissement chez Autobacs est absolu au regard de la réussite de notre projet professionnel ; et enfin, compte tenu de la forte pression qui s'exerce sur moi actuellement, j'accepte en conséquence les nouvelles fonctions que vous me proposez par avenant ... ".
Mais le chef d'entreprise choisissant la voie de la rétrogradation doit faire tout aussi attention s'il veut sanctionner un salarié récalcitrant.
Il devra d'abord s'assurer qu'il est toujours dans les délais pour prononcer un licenciement disciplinaire.
Il devra ensuite fonder son licenciement sur un motif réel et sérieux, c'est-à-dire établir les faits ayant justifié la rétrogradation, et ne pas se contenter de reprocher à son collaborateur le fait d'avoir tardé à l'accepter ou le fait de l'avoir refusé.
Il lui faudra encore prouver le caractère grave (ou lourd) des faits reprochés s'il entend prononcer un licenciement pour faute grave (ou lourde).
À défaut, et bien qu'ayant suivi les règles, l'employeur s'exposerait à son tour à un retour de bâtons : supportant les effets d'un licenciement judiciairement invalidé, là où une rétrogradation acceptée et non contestée n'aurait soulevé aucune difficulté.
Ella Ragain
Référence : arrêt de la Chambre sociale du 14 juin 2023 (pourvoi n° 21-22.269)
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