La question est ancienne, récurrente et a donné lieu à l’élaboration de plusieurs dispositifs : intéressement, participation, plans d’épargne entreprise divers et variés et plus récemment Prime de Partage de la Valeur (PPV).
Ces solutions de partage de la "valeur ajoutée" de l’entreprise reposent sur le principe d’une prime variable octroyée aux salariés, par opposition au versement d’un complément de salaire fixe. Elles ne peuvent donc se substituer à un quelconque élément de salaire, actuel ou futur (augmentations salariales).
En 2023, le partage de valeur a le vent en poupe. Les réformes s’enchainent et l’évolution est loin d’être terminée.
La PPV, qui a succédé à la "prime exceptionnelle de pouvoir d’achat" (PEPA), mesure conjoncturelle instaurée en 2019 pour compenser les effets d’une inflation croissante, s’en distingue nettement. En effet, car elle constitue une mesure financière pérenne permettant à un employeur de droit privé d’allouer annuellement, après consultation du CSE, une prime de "valeur ajoutée" ou de "productivité" à tous les salariés ou à une partie d’entre eux.
On observe donc que la PPV est ouverte à toutes les entreprises et son versement arbitré discrétionnairement par les directions tous les ans. Ce faisant, elle offre aux employeurs de taille modeste un procédé "libre" d’association financière des employés jouant le rôle d’une pseudo-participation.
L’avenir de la PPV est désormais assuré. Elle vient même d’être officiellement intégrée au système d’épargne salariale français par l’accord national interprofessionnel régularisé le 10 février dernier.
Dans cette perspective, le régime social et fiscal de la PPV évolue.
On rappellera qu’en vue d’inciter fortement les entreprises à mettre en place cette prime, un régime de faveur avait été associé à l’origine au dispositif, surtout s’agissant des montants versés aux salariés à faible et moyen revenu (3 fois le Smic annuel) pour lesquels aucun prélèvement fiscal n’était opéré (pas d’impôt sur le revenu), et les prélèvements sociaux minorés tant que la prime octroyée ne dépassait pas la somme de 3 000,00 € (aucune cotisation sociale, aucune contribution sociale, pas de CSG et de CRDS, pas de forfait social, ni de contribution formation, de taxe d’apprentissage ou de participation à la construction).
S’agissant des montants versés aux autres salariés (revenu dépassant 3 fois le Smic annuel) ces derniers bénéficiaient, toujours dans le respect du plafond de 3 000,00 €, d’une exonération limitée aux cotisations et contributions sociales.
Le principe de la prime étant suffisamment sanctuarisé, le régime social et fiscal se durcit à partir de 2024 : le régime spécifique des travailleurs à revenu faible et moyen disparaît, laissant place à un régime fiscal et social unifié.
Les primes versées deviennent pour tous les salariés éligibles à l’impôt sur le revenu, au forfait social ou à la CSG - CRDS. Subsiste uniquement l’exonération des cotisations et des contributions sociales légales et conventionnelles lorsque la prime annuelle versée est inférieure ou égale à 3 000,00 €.
Enfin, le plafond de 3 000,00 € peut être exceptionnellement porté une année donnée à 6 000,00 € : l’année où l’entreprise décide de régulariser un accord de participation ou d’intéressement ; solution existant déjà antérieurement et restant inchangée en 2024.
La signature de l’ANI sur "le partage de la valeur en entreprise" intervenue le 10 février 2023 va emporter un changement d’échelle en matière de restitution financière aux salariés des fruits de l’activité. C’est même un changement de modèle social que l’on peut évoquer.
Le "dividende salarié" ne serait-il pas à terme en passe de concurrencer, voire de remplacer à terme, le principe de la rémunération salariale ? C’est le dilemme que pose à bas bruit le syndicat CGT refusant de signer un acte focalisé sur les modes d’intéressement du salarié, mais écartant délibérément le salaire et la question de sa fixation du champ des négociations.
Il sera relevé que le terme de "dividende salarié" est expressément proscrit du texte de l’accord et que le principe du maintien de la rémunération salariale y est au contraire rappelé.
L’omission délibérée de l’expression "dividende salarié", au motif d’ailleurs de l’existence de celle de "dividende du travail" déjà entrée dans le Code du travail, n’enlève rien à la problématique de fond. Le partage de la valeur devient progressivement une nouvelle catégorie juridique, une notion distincte du dividende et du salaire. Mais alors de quel ordre relève-t-il, quel en est le véritable substrat conceptuel ? Autant d’interrogations laissées de côté par les signataires de l’accord pourtant prolixes sur bien d’autres aspects.
Pour l’instant, il est loisible de constater que le contenu de l’ANI du 10 février 2023 est foisonnant, celui-ci devant être repris tel quel dans un texte législatif aux dires des signataires de l’accord et du Gouvernement :
- partage obligatoire de la valeur en cas de bénéfice "régulier" et cela même dans les entreprises de petites tailles (de 11 à 50 salariés) ;
- obligation de négocier sur le sujet de la participation au niveau de la branche ;
- obligation de négocier dans l’entreprise le partage de la valeur en cas de résultats exceptionnels ;
- création d’un nouveau dispositif, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise ;
- mesures favorisant et sécurisant l’actionnariat salarié ;
- simplification renforcée en matière d’épargne salariale ;
- orientation des dispositifs vers la transition écologique et la RSE.
Et bien d’autres points qui feront prochainement la joie de la doctrine comme celle des praticiens.
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