La question écologique n'est pas nouvelle, loin de là. Il suffit de rappeler qu'en 1968 Jean Dorts faisait déjà paraître l’ouvrage au titre évocateur "Avant que nature meure", publication antérieure de plus de 20 ans à la création du groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, aujourd'hui mondialement connu sous le nom du GIEC.
Les effets du réchauffement climatique se font sentir en France comme partout ailleurs, et la prise de conscience intervenue depuis la canicule de 2003 a conduit à l'adoption d'une série de mesures pour en contrer les effets. Dans la foulée, l’obligation générale de prévention des entreprises a été étendue à ce nouveau domaine, mais uniquement pendant les périodes de "crise".
Cependant, le problème devient structurel. L'impact des conditions météorologiques sur les conditions de travail et sur la santé des travailleurs est de plus en plus étudié. Le constat est sans appel : certains métiers, certaines formes d'activité (de plein air), certaines modalités de travail (port d'uniforme ou d'équipements de protection) et certaines zones géographiques sont lourdement affectés par le phénomène.
S’y rajoutent les multiples facteurs venant aggraver les effets délétères du soleil sur l’état des travailleurs : l'âge, la santé des personnes, les caractéristiques physiologiques ou psychologiques propres à chacun.
Ils prendront bientôt de diverses formes (modification des données atmosphériques, inondations, vents violents, etc.).
C'est bientôt tout le Droit du travail qui sera mobilisé afin de permettre la poursuite de l'activité dans un cadre nécessairement reconfiguré.
Les premiers signes de l’évolution sont là : la prévention des risques exige de l'entreprise qu'elle prenne en considération dans le document unique les aléas environnementaux, même si ce cadre réglementaire ne semble pas encore totalement maîtrisé.
Dans le même ordre d'idées, les représentants des salariés sont amenés depuis la Loi du 22 août 2021 à s'exprimer et à faire des propositions sur toute problématique de nature écologique, ce qui inclut la question climatique au premier chef.
Enfin, on constate la montée de l'intérêt des entreprises et des partenaires sociaux pour des modalités de travail davantage adaptées aux fluctuations de température, comme le recours à la semaine de travail de 4 jours ou encore le télétravail (dorénavant obligatoire en période de canicule). Autant de solutions qui réduisent les déplacements, donc l'émission de gaz à effet de serre, en même temps que la fatigue des salariés.
Il paraît évident qu’à terme, l'organisation du travail dans son ensemble va devenir un enjeu central face à la nouvelle donne écologique. Un constat premier s'impose : à ce jour, le sujet reste l'angle mort des discussions sociales comme parlementaires.
Mais, malgré le silence ambiant, on pressent déjà les pistes possibles d'évolution à l’horizon 2030 sinon 2050 :
- une transformation du télétravail en mode ordinaire d'activité pour les fonctions support ;
- un aménagement revisité du temps de travail (développement des horaires décalés et individualisés, modulation du travail sur l'année) ;
- une extension du travail de nuit ;
- la progression du travail à domicile ;
- la création de jours de congés climatiques ou d’un droit de retrait climatique.
Bien sûr, le Code du travail connaît déjà la plupart de ces instruments. Mais l'évolution qui s’annonce relève d'un changement de paradigme.
D'exception, le travail de nuit ne va-t-il pas intégrer le champ du droit commun ? La modulation du temps de travail, aujourd'hui cantonnée à des secteurs déterminés, ne va-t-elle pas progressivement se développer pour finalement s’imposer partout ?
Le choix d'une modification rationnelle et négociée de l'organisation du travail reste à coup sûr le meilleur moyen d'anticiper les risques professionnels d'origine climatique, tout en préservant au mieux la santé des salariés et leur liberté de choix individuelle.
Encore faut-il avoir le courage d'en parler.
Référence : France stratégie, note d'analyse « le travail à l'épreuve du changement climatique », 23 juin 2023, https://www.strategie.gouv.fr/publications/travail-lepreuve-changement-climatique (23 août 2023).
Ella RAGAIN
Découvrez nos formations Qualiopi 100 % distanciel
Formation Gestionnaire de Paie à distance
Formation Secrétaire Assistant à distance
Formation Assistant RH à distance
Formation Secrétaire Comptable à distance