Le débat des derniers mois, portant sur la légitimité des arrêts de travail et la nécessité de les juguler, contraste fortement avec la jurisprudence de la Cour de cassation consacrant la pleine substance de ces périodes d'inactivité, lesquelles doivent dorénavant être prises en compte pour calculer les congés payés des salariés).
Ainsi l'arrêt maladie se trouve-t-il décrié au moment même où son assise juridique se voit renforcée. Le droit nous rappelle que l'arrêt de travail, versant négatif de l'activité professionnelle, doit être considéré comme un temps de récupération protégé, et non comme des mini-vacances déguisées.
Il est vrai que la sortie de la période Covid s'est accompagnée d'un emballement des arrêts de travail et que les comptes de la Sécurité sociale s'en trouvent nécessairement impactés.
La tendance amorcée en 2021 s'est d'ailleurs accentuée en 2022 avec une hausse de 8 % des indemnités journalières réglées toutes causes confondues - hors maternité - pour un coût global chiffré par la Caisse d'Assurance maladie à 13,5 milliards d’euros.
Voilà pourquoi depuis plusieurs mois, divers acteurs de la vie publique se plaignent de leur coût excessif pour les finances publiques, fustigent des arrêts « abusifs » ou de « complaisance », évoquent l'urgence à les encadrer.
Dans le tumulte général, un constat de simple bon sens s'impose : les prises de parole s'enchaînent tous azimuts, mais à aucun moment n'est posée la question de la durée et des causes à l'origine des arrêts critiqués.
De quoi l'explosion des arrêts pour maladie ou pour accident de travail est-elle véritablement le signe ? D'une dérive des médecins, du laisser-aller général des salariés, du développement des pathologies traditionnelles ou encore de l'apparition de nouvelles ?
Ou bien, comme le pointe l'Assurance maladie, la marque d'une augmentation du nombre d'actifs, soit des individus susceptibles d' être pris en charge par le système social au titre de la maladie ou de l'accident professionnel, ou plus généralement celle du vieillissement de la population française ?
On entend peu parler des raisons de fond. L'heure est plutôt à la recherche de solutions expéditives.
Si la solution d'un jour supplémentaire de carence n'a pas même été envisagée pour sauvegarder la paix sociale, la mise à la charge de l'employeur du coût des premiers jours d'arrêt-maladie a été évoquée avant l'été (journées suivant le délai de carence de 3 jours, donc les 4e, 5e et 6e jours de l'arrêt). Mais cette piste a été rapidement écartée compte tenu de la très vive opposition des représentants des entreprises (Medef et CPME).
La première est l'augmentation des opérations de contrôle incombant au service médical de l'assurance maladie (vérification de la réalité de l'affection et de l'indisponibilité du salarié malade supposant qu'il soit à son domicile hors des heures légales de sortie, chasse aux fausses déclarations d'accident).
La deuxième est la limitation de la durée de certains arrêts de travail, à savoir ceux ordonnés en téléconsultation. La durée maximale de 3 jours préconisée pour ce type d'arrêts laisserait en effet leur coût à la charge exclusive des salariés, la Sécurité sociale n'ayant plus à les financer du fait du délai de carence de 3 jours actuellement en vigueur (projet de loi de financement de la Sécurité sociale).
La troisième réside dans la suspension automatique du versement des indemnités journalières maladie lorsqu'un rapport de contrôle conteste le bien-fondé de la maladie ou acte le rétablissement anticipé de l'employé (solution hautement critiquable puisque revenant à priver le salarié de subsides alimentaires durant le temps des voies de recours qui lui sont ouvertes).
On notera pour finir que les pistes des pouvoirs publics conduisent à reporter sur d'autres acteurs la responsabilité des problèmes de santé des travailleurs. Tout comme l'usage du délai de carence fait déjà porter le poids des arrêts de courte durée sur les assureurs et sur les salariés, ce report ayant des répercussions économiques et financières.
Ce que le cotisant ne paie pas, les assurés et les consommateurs de soins devront nécessairement le faire.
Ella Ragain
Référence :
- Assurance Maladie. Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l'Assurance Maladie pour 2024 - Juillet 2023.
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