L'apport des arrêts du 13 septembre 2023 que nous avons précédemment évoqués dans notre précédent article (Congés payés : évolution majeure partie 1) le seul domaine de l'acquisition des droits à congés payés par les salariés.
Y sont introduites deux autres innovations juridiques majeures, de sorte que le Droit des congés payés s'en trouve magistralement rénové.
Unifiant le droit de tous les travailleurs en matière d'acquisition des congés – qu'ils soient en activité, malades ou accidentés -, la Cour de cassation opère un mouvement analogue concernant la problématique du report des congés payés.
Désormais, le droit de prendre au retour d'une période d'absence les congés non pris avant le départ est considéré par la Cour de cassation comme ouvert à tous les salariés, sans distinction de la nature de l'absence (maladie, accident de travail, maternité, adoption ou congé parental d'éducation).
C'est en effet l'hypothèse du report des congés payés en cas de congé parental d'éducation qui se trouve réglée par la Cour de cassation.
Ce cas de figure était jusqu'alors le seul à entraîner une perte du droit au repos pour le travailleur. Si la salariée n'avait pas usé de son droit à congés avant son départ de l'entreprise, il ne pouvait plus le faire valoir ensuite puisque se trouvant hors de la période légale de prise des congés payés fixée en Droit français (la durée du congé parental d'éducation dépassant en pratique la durée légale de prise des congés).
C'est notamment ce qu'avait jugé la Cour de cassation en 2004, considérant qu'il appartenait au salarié de s'organiser et de prendre ses congés payés avant son départ en congé parental. Le fait de s'abstenir d'exercer un droit volontairement ne justifie pas en soi de le reporter lors du retour du congé parental d'éducation, à la différence des salariés malades ou accidentés se trouvant eux dans l'impossibilité matérielle d'exercer leur droit et bénéficiant à ce titre du report des congés payés à l'expiration de leur période d'indisponibilité.
Sur ce point encore, la Cour de cassation opère un revirement en vue de mettre le Droit français en conformité avec le Droit européen.
En effet, l'Europe est dotée depuis le 8 mars 2010 d'une directive (2010/18/UE du Conseil) rendant applicable sur le territoire de l'Union la norme conventionnelle que constitue l'accord-cadre révisé du 18 juin 2009 sur le congé parental. Or la clause 5 de cet accord stipule :
"Les droits acquis ou en cours d'acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus en l'état jusqu'à la fin du congé parental. Ces droits s'appliquent à l'issue du congé parental, tout comme les modifications apportées à la législation, aux conventions collectives et/ou à la pratique nationale."
De ce fait, une incompatibilité existait entre la disposition européenne en question et l'exclusion française du droit au report des congés pour le salarié se trouvant en congé parental d'éducation.
Faute d'intervention législative, la Cour de cassation remédie à la situation en jugeant :
"Lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année de référence en raison de l'exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail. "
En l'état, le report des congés payés à l'issue du congé parental d'éducation est acté.
À en tenir à la décision rendue, il peut intervenir sans limite de temps sauf existence d'une limitation conventionnelle spécifique (15 mois en pratique).
À moins bien sûr que le législateur fasse prochainement de cette limitation une règle d'ordre public...
Ella Ragain
Référence :
- Arrêt de la Chambre sociale du 13 septembre 2023 (pourvoi n° 22-14.043).