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4/5/2023

Existe-t-il un droit du travail sans contrat de travail ?

L'actualité
Par 
ABL formation
Un Droit du travail sans contrat de travail ?

La question est certes provocatrice, mais l’éclosion des plateformes de mobilité et de livraison a sérieusement bousculé l’univers du droit, avec son lot d’interrogations :

- Faut-il créer un droit ex nihilo pour cette nouvelle forme d’activité indépendante ?

- Faut-il transformer des travailleurs désireux d’être indépendants en salariés ?

- Faut-il s’engouffrer vers une nouvelle ère où le droit du travail s’appliquera bientôt à tous les indépendants dont l’activité est peu ou prou encadrée par une organisation.

 

Historiquement parlant, l’apparition des plateformes de mobilité est issue d’une révolution technologique : le Smartphone dont les usages diversifiés ont permis, entre autres, de naviguer sur Internet en déambulant dans la ville. Par son biais, il a été possible d’avoir accès à un panel de services de plus en plus important, dont les voitures de transport avec chauffeurs (VTC) ont sans conteste été la vitrine.

Depuis les années 2000, nous nous sommes progressivement habitués à ces nouveaux services et le triangle commercial en résultant apparaît bien de prime abord aux antipodes du droit du travail. Il suppose la mise en relation d’un prestataire indépendant et d’un client (particulier ou professionnel), les deux parties se connectant librement sur un site de mise en relation qui perçoit au passage une juste rétribution. L’opérateur numérique médiatise et régule une relation commerciale qui lui est extérieure. Voilà pour la théorie !

La pratique donne à voir une tout autre réalité. La dépendance économique et sociale des chauffeurs ou des livreurs, dont la relation avec l’opérateur numérique ne relève plus du choix mais de l’obligation, aura conduit à l’émergence d’un double phénomène sur le plan juridique.

La requalification de la relation en contrat de travail

Indépendamment de l’appellation réservée par les parties au contrat, « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » 

C’est sur le fondement de cette subordination juridique permanente, qu’un arrêt du 28 nov. 2018 (n°17-20.079) requalifie pour la première fois en contrat de travail le contrat commercial unissant le travailleur de plateforme au site électronique intermédiaire. Depuis, les solutions jurisprudentielles similaires s’enchainent (Soc., 4 mars 2020, n°19-13.316 ; Soc. 13 avril 2022, n° 20-14.870 ; Soc. 25 janvier 2023, n°21-11.273).

Dès qu’une plateforme électronique ne se contente pas d’une simple mise en relation, mais met en place des modalités de suivi (géolocalisation), d’évaluation des chauffeurs par les clients, une grille de tarification ou des règles de conduite, elle se trouve transformée un employeur au sens du droit du travail.

Le dernier arrêt en ce sens est intervenu le 15 mars 2023 et concerne la plateforme Bolt. La solution se confirme donc en jurisprudence.

Un rapprochement global avec le statut du salarié

Dès l’origine, les pouvoirs publics ont réagi de manière empirique face à l’avènement de ce nouveau modèle économique, dont le développement n’est pas près de s’arrêter. Celui-ci a d’ailleurs envahi tous les secteurs de la vie économique, surfant sur une rentabilité hors norme (pas de locaux, pas de masse salariale, pas de cotisation sociale à verser, etc.)

En réaction, le Droit européen et Droit français ont tenté d’apporter une protection minimale à des travailleurs devenus visibles du fait de leur nombre :

- Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (droit syndical et droit de grève)

- Proposition de directive améliorant les conditions de travail des travailleurs des plateformes de décembre 2021

- Ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation (droit à la négociation collective, protection contre la rupture du lien contractuel pour les représentants des travailleurs de la plateforme, etc.).

 

Vers une fusion ?

Œuvrant dans l’urgence, la France fait donc entrer ces nouveaux indépendants dans le titre 7 du Code du travail, qui s’étoffe progressivement et commence à ressembler à une catégorie « fourre-tout ».

Faute d’avoir pris le temps de la réflexion, l’élaboration des nouvelles règles interpelle en terme d’égalité de traitement des acteurs en présence avec en ligne de mire :

- la distorsion entre les travailleurs de plateforme qualifiés de salariés là où les autres relèvent de la catégorie du secteur libéral, et ce, sur la base d’une appréciation discrétionnaire des juges du fond et de critères en constante évolution ;

- la distorsion entre les travailleurs de plateforme non-salariés et les travailleurs de plateforme salariés, qui pour l’exercice d’une activité équivalente sont loin de bénéficier des mêmes garanties et protection (prenons, par exemple, le salarié d’une Société de livraison de plats à domicile et un livreur Deliveroo) ;

- la distorsion entre les travailleurs indépendants eux-mêmes, car comment justifier que les travailleurs des plateformes numériques soit mieux traités que ceux se trouvant dans une situation similaire envers leur donneur d’ordre (lien de dépendance juridique et économique prégnant).

Ces distorsions existent depuis des décennies, un temps plus que suffisant laissé aux institutions pour penser et poser le cadre d’un régime complet, adapté, protecteur et respectueux des acteurs.

En l’état, l’élargissement du champ du droit du travail est réel :

- directement par une requalification en contrat de travail ;

- indirectement par la déportation des principes et des règles du droit du travail hors de son champ naturel (le salariat).

D’où la question posée : existe-t-il aujourd’hui un Droit du travail sans contrat de travail ?

E.R.

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